Une véritable estime de soi nous vient d’avoir été enfant accueilli, nourri, reconnu, accompagné par l’amour inconditionnel. Or nos parents les meilleurs soient-ils sont issus d’un monde où l’amour est par nature conditionné dans une vision du bien et du mal, différente selon les pays, les cultures, les familles.
De plus, notre identité officielle se réfère à notre seule polarité physique, homme ou femme. Notre polarité intérieure est encore pour le grand nombre une vue de l’esprit.
Nous sommes donc conditionnés et incomplets.
De plus, ceci dépasse notre propos, nous sommes inconsciemment en résonance avec des mémoires, certaines collectives, d’autres non. Celles-ci interfèrent dans l’estime de nous-même et peuvent engendrer un sentiment sourd de culpabilité sans raison apparente. Les thérapies classiques nient la dimension énergétique ou subtile de la vie, ce qui génère une situation de dépendance aux remèdes miracles ou d’impuissance au cœur de nous-même. Les religions n’apportent que des solutions en adéquation avec une vision tronquée de la vie.
Conditionnés, incomplets et impuissants… Nous partons bien de là pour trouver l’estime de soi, et en même temps c’est ce qui fait de notre aventure humaine et personnelle une histoire sublime et initiatique : Sortir d’une vision tronquée de la vie, retrouver une relation bienveillante avec la vie, avec le monde comme avec nous-même, se trouver formidable même au cœur de l’hiver car la source de l’amour en nous s’est réveillée.
Chacun de nous fait des choses incroyables, mais il ne le reconnaît pas. Chacun donne de l’amour ou de l’attention sans compter. Cela s’adresse souvent à une seule partie de la réalité qu’il nomme les malchanceux, les abandonnés de la vie, les animaux, les vieux, les enfants innocents, la terre maltraitée, la pollution, les victimes de l’injustice, de l’autorité, de l’administration, nourrir les autres, transmettre une forme de savoir et aussi la poésie, la construction de maquettes, la reconstruction de maison, planter des arbres…
Chacun met là tout son élan, son attention aimante et quelque chose de plus qui le dépasse, de plus fort que soi. Pour chacun, c’est un endroit spécifique. Aucun n’est plus beau, plus grand ou plus important que l’autre. La construction de maquette vous me direz…
Et pourtant reconnaître que l’on sait créer un monde dans un monde tel un dieu créateur bienveillant avec infiniment de soin, de patience, d’attention, de souci du détail, et savoir intuitivement qu’il y a toujours un monde dans un monde, n’est-ce pas une action magnifique ?
Cet endroit est en résonance avec l’action de l’âme qui se dirige spontanément là où elle sent l’appel intérieur de ce qu’elle est venue accomplir, ce qu’elle sait le mieux faire, ce qu’elle a le plus de joie, de passion à faire, ce pour quoi elle est faite et pour laquelle elle se sent utile, nécessaire, essentielle. Et qui lui donne cette estime de Soi à travers soi.
Néanmoins nous n’avons pas appris à le valider, à nous l’offrir comme reconnaissance de nous-même. Nous n’avons pas appris non plus à l’offrir à l’aspect intime de nous qui se sent non reconnu, abandonné, injustement ou maltraité, trahi ou humilié… Nous n’avons pas appris à nous donner à nous-même ce que nous savons si bien, si puissamment, si magnifiquement donné à l’autre ou à un aspect de la vie.
Nous n’avons pas appris à reconnaître notre action.
Par exemple, au cours d’une journée consacrée à guérir et libérer son adolescence (au cours du stage « de l’enfant blessé à l’enfant de lumière »), je demande à chacun de retrouver le rêve qui l’animait. Même si celui-ci semble parfois inconscient ou refoulé, il y en a trace à travers les héros, les figures cultes d’identification de cette époque. Je demande aussi de reconnaître toutes les fois dans la vie où ce rêve a animé l’être, parfois dans la relation à l’autre ou seul avec seul avec soi, parfois chez le boulanger ou dans le plus parfait anonymat ou dans la lumière. Reconnaître aussi le plus que cela a apporté que cela soit à certains ou à la nature ou à la matière. Reconnaître soi-même son action…! Cela n’est pas si simple, il est tellement plus facile de reconnaître nos imperfections. Cela contribue grandement à retrouver l’estime de soi.
Et vous ? Quel rêve portait l’adolescent et qui anime encore ?
Est-il possible de le reconnaître comme la chose la plus précieuse, la plus essentielle. Est-il possible de l’offrir à l’aspect qui manque d’estime de soi? La réponse a besoin d’être spécifique, intime et passe souvent par ce qui nous touchait précisément dans nos héros d’adolescence.
Quelles pratiques du Vijñânabhaïrava tantra, (yoga non postural) parmi ses 112 peuvent nous aider à nous reconnaître dans une véritable estime de soi ?
« Marchant, dormant, rêvant, la conscience ayant abandonné tout support, connais-toi en tant que présence lumineuse et spatiale. »
Spatiale : faite d’espace. Comme toute voie initiatique dont le projet est la réalisation, le tantra nous invite à passer de l’estime de soi à la reconnaissance de Soi. La proposition ici est, de nous connaître et non pas de nous re-connaître, de savoir que nous sommes « présence lumineuse et spatiale »quel que soit le temps, l’espace, la dimension. Nous avons souvent besoin de nous re-connaître avant de nous connaître. Le manque d’estime de soi va toujours avec un sentiment de rabougrissement, de contraction, de limitation. Nous pouvons pendant de courts instants dans la journée au cours de la vie la plus quotidienne nous percevoir, nous ressentir, nous visualiser, nous vivre telle une « présence lumineuse et spatiale » et commencer à réveiller en nous cette conscience et cette expérience.
« Lorsque tu saisis la spatialité lumineuse de ton propre corps irradiant dans toutes les directions, tu te libères de la dualité et t’intègres à l’espace ».
Dans le même esprit, pour libérer la sensation d’être à l’étroit en soi ou pas « comme il faut », l’invitation à se percevoir comme un soleil plein d’espace et de lumière irradiant dans toutes les directions nous permet de nous déployer, de nous détendre, hors de tous concepts bien ou mal et de trouver notre place au cœur de la totalité.
« Là où tu trouves satisfaction, l’essence de la félicité suprême te sera révélée si tu demeures en ce lieu sans fluctuation mentale. »
Dans cette reconnaissance de qui nous sommes à travers notre action, l’invitation est ici d’oser se poser là dans la simple satisfaction de cette reconnaissance, ni mieux, ni moins, juste nous-même et tout ce potentiel infini d’amour et de conscience qui passe à travers nous. Et y rester « sans fluctuation mentale » !
Faisons-le déjà quelques instants et reprenons doucement sans nous juger quand l’esprit vagabonde.
© Diane Bellego