Vivre au féminin nous invite à mettre en pratique les valeurs du Féminin, lesquelles sont dénaturées par principe au cours d’une ère patriarcale. Vu l’état de la Terre et des sociétés, nous savons plus ou moins consciemment que nous sommes au moment clef où il nous faut réconcilier et équilibrer harmonieusement les valeurs masculines et féminines. Opposer les unes aux autres est la définition même de la dualité qui produit inexorablement la suprématie de l’une sur l’autre. La proposition est donc de les équilibrer sans juger ni l’une ni l’autre. C’est aussi la vision tantrique à travers les pratiques du Vijñânabhaïrava tantra.
Ce qu’est en vérité le Féminin demande de plonger dans la nature humaine et universelle (à paraître Masculin Féminin : l’Odyssée des Héros d’Aujourd’hui chez Tredaniel), néanmoins voici quelques pistes pour « Vivre au Féminin » que nous soyons homme ou femme.
Le Féminin est relié en particulier au mouvement d’intériorisation, telle l’étreinte qui ramène au cœur. Vivre au féminin nous invite à revenir au cœur de nous-même, dans une écoute intime du cœur de nous-même. Vivre au masculin nous incite au contraire à chercher à l’extérieur la réponse à nos questions dans une quête de résultat, donc de performance au déni de l’intimité et de la sagesse intérieure. Le Féminin est relié à la Terre, donc à notre corps, ainsi qu’à à la dimension énergie de la vie, donc aux émotions (l’énergie en action = é-motion).
Vivre au féminin nous demande de retrouver l’intimité avec notre corps, non plus dans une performance sportive, mais dans une écoute fine. Le corps nous informe et porte une sagesse profonde.
Sagesse du corps :
Nous pouvons engager avec notre corps un dialogue, lui demander un code de communication, comment nous dit-il oui et non. Ainsi la kinésiologie a développé cette forme d’écoute en posant des questions au corps, mais là nous avons besoin de quelqu’un d’extérieur. Ici nous ne dépendons que de nous-même. Chaque jour, nous pouvons nous intérioriser en posant à notre corps des questions qui le concernent. Par exemple, l’alimentation : est-il approprié de manger ceci, d’acheter cet aliment? A-t-il besoin d’un massage? De sortir dans la nature? De respirer amplement ? De bouger? De faire de l’exercice? De danser? A-t-il envie de telle ou telle danse?
Les questions sont infinies et nous amènent à reprendre notre pouvoir en écoutant la sagesse intérieure, ce qui est une profonde valeur du Féminin. Ce dialogue va refléter bien sûr les étapes de maturité de la rencontre intérieure avec les doutes mais aussi la personnalité qui cherche à manipuler. Par exemple, « OK pas de sucre, mais la confiture ce n’est pas vraiment du sucre… » Il est illusoire de demander au corps si nous allons gagner au gros lot ou s’il est juste de changer de boulot, trop de facteurs interfèrent.
Dans nombre de mes stages, ce dialogue est instauré chaque matin. Il pose bien sûr plus de difficulté à ceux qui ont dû se couper de leur ressenti enfant pour se créer une forme de carapace anesthésiante, ainsi qu’à ceux qui ont compensé par une forme d’hypertrophie mentale l’impuissance à prendre soin de leur blessure intime d’amour. Cet exercice les rend fous et en même temps, il est un chemin simple et puissant de retrouvailles.
« Lorsque tu as inspiré ou expiré complètement et que le mouvement s’arrête de lui-même, dans cette pause universelle et paisible la notion du « moi » disparaît et la Shakti se révèle. »
La Shakti est le Féminin, ici intuition autant qu’énergie.
Le massage :
Nous pouvons donner de l’amour à notre corps en lui offrant régulièrement un massage. Ce qui devrait être un passage obligé, pour tous ceux dont la profession leur demande d’être tendu vers la performance au détriment de la sensibilité, de la solidarité, du bon sens, de la sagesse. Dans cette profonde détente qu’offre un bon massage, les émotions affleurent, inconsciemment nous le savons, c’est pourquoi certains le redoutent. Le massage est fondamental pour les hommes qui choisissent l’équilibre intérieur et qui par culture ont été coupés du ressenti de leur corps et de leurs émotions.
« Ressens ta substance : os, chair et sang, saturée par l’essence cosmique, et connais la suprême félicité. »
J’ai l’habitude de traduire joyeusement l’essence cosmique par « miam-miam ». C’est plus simple, n’active aucune rejet et tout le monde comprend !
La sensorialité :
La sensorialité est l’expression naturelle de nos sens qui nous permet de nous ressourcer. À la différence de la sensualité dans notre société, la sensorialité n’a pas de projet, ni d’attente. Combien nos sens sont-ils pollués à force d’aspartame et autres édulcorants ou de recherche d’excitation sensuelle ou émotionnelle. Retrouver une sensorialité saine, fraîche, joyeuse est une des composantes de la proposition tantrique, car au bout de l’organe des sens l’ego se détend. Il suffit de plonger au cœur d’un parfum aimé pour voyager et avoir accès à une dimension plus vaste que nous. Ainsi les grands poètes savent transmettre une forme de transcendance à travers une sensation qui nous est pourtant habituelle.
Avoir accès à cette dimension plus subtile est un des fondements de la nature du Féminin. Il ne dépend que de nous à travers notre relation à nos sens. De même qu’avec la sagesse du corps, nous rencontrons ici des freins, des doutes et des fascinations qui sont autant d’étapes de maturité dans notre rencontre intérieure.
Par exemple, nous pouvons manger chaque jour un plat consciemment, en étant totalement présent à toutes les sensations et leurs expressions émotionnelles. Faisons le joyeusement, simplement, avec quelque chose que nous aimons, que cela soit le thé du matin, la tartine, le bout de chocolat…
« Fonds-toi dans la joie éprouvée lors de la jouissance musicale ou dans celle qui ravit les autres sens. Si tu n’es plus que cette joie, tu accèdes au divin. »
Nous pouvons le faire aussi en posant la main consciemment sur un être aimé, en restant ainsi juste quelques instants, à respirer le goût intérieur de ce contact aimant.
« Lorsque tu retrouves un être aimé, sois totalement dans cette félicité et pénètre cet espace lumineux. »
Nous pouvons aussi dans la nature, dans un parc ou près d’un arbre ralentir nos pas et ouvrir consciemment notre système sensoriel, voir, entendre, sentir, ressentir, goûter, pressentir…
« Jouis de l’extrême lenteur des mouvements de ton corps, d’une monture, d’un véhicule et, l’esprit paisible, coule-toi dans l’esprit divin. »
« Lorsque tes sens frémissent et que ta pensée atteint l’immobilité, entre dans l’énergie du souffle et, au moment où tu sens un fourmillement, connais la joie suprême ».
Les émotions :
« Vivre au féminin » nous demande de retrouver l’intimité avec nos émotions, non pas dans une recherche de l’intensité, mais là aussi dans une écoute fine qui nous donne accès à des informations pour lesquelles notre mental n’est pas équipé. Pour cela, il est nécessaire d’apprivoiser et de fluidifier ses émotions. La respiration connectée (aussi appelée rebirth) est un outil magnifique. Cette respiration permet de libérer et d’harmoniser le flux émotionnel et d’avoir accès à des états de bien-être profonds, parfois proches de la béatitude, à condition d’être accompagné par quelqu’un de compétent, d’enraciné et de bienveillant, ayant déjà pacifié avec humilité ces espaces.
« L’intuition qui émerge de l’intensité de l’adoration passionnée s’écoule dans l’espace, libère et fait accéder au domaine de Shiva / Shakti. »
(Le domaine de Shiva / Shakti = le domaine divin de l’unité.)
Dans cette pratique, l’invitation est non pas dans la fascination pour l’intensité, mais plutôt dans une conscience incandescente que permet l’intensité et qui donne accès à autre chose d’infiniment plus subtile qui s’écoule et libère. Ressentons la vibration du terme « passionnée », puis celle de « l’adoration passionnée », enfin celle de « l’intensité de l’adoration passionnée », forme de culmination ardente qui à condition de ne pas nous y identifier, nous donne accès à quelque chose que notre mental ne peut circonscrire. Bien des artistes ont le pressentiment de cela à travers leur quête souvent douloureuse de l’intensité et des feux de la rampe. Bien des êtres ont le pressentiment de cela à travers une fascination pour une forme d’excitation émotionnelle ou sensorielle qui les fait temporairement sentir plus vivant. Bien des études marketing ont le pressentiment de cela à travers leurs messages plus ou moins conscients et leurs images fantasmatiques. Néanmoins tant qu’il y a fascination, il y a identification à l’image ou à la sensation, il y a tension vers le résultat et rien ne peut émerger.
Au contraire, nos émotions fluidifiées peuvent nous informer d’un changement vibratoire même subtil, en particulier en nous-même. Le mental ne le peut pas, ce n’est pas sa zone de compétence. « Tiens, qu’est-ce qui se passe brusquement, est-ce qu’on est en train de me raconter une demi-vérité, je sens un malaise dans mon cœur et un pincement dans mon plexus? Cette personne, mon cœur s’ouvre en sa présence, il y a un sourire dans mon cœur, je vais faire confiance. »
Par exemple, à travers la danse proche de la transe quand l’énergie spontanée anime le corps et l’émotion, il est possible de goûter à des instants semblables. Nos grands parents avec la valse le savaient fort bien! Alors dansons, follement, sacrément, joyeusement. Laissons le corps vibrer, s’animer. Puis écoutons à l’intérieur, la joie, la gratitude d’être simplement en vie, envie.
« Erre ou danse jusqu’à l’épuisement, dans une totale spontanéité. Puis, brusquement, laisse-toi tomber sur le sol et, dans cette chute, sois entier(e). Alors se révèle l’essence absolue. »
La dimension sacrée :
Retrouver la dimension du sacré débarrassé de tous dogmes, du sacré en toute vie, s’il dépasse notre cadre, fait néanmoins partie des retrouvailles avec le Féminin. Dans la vision tantrique, le sacré est l’équivalent du vital. Sacré car vital. Les enfants ont un accès naturel au sacré à travers un sens inné du rituel qui donne sens à ce qui les dépasse et ouvre leur dialogue avec la vie dans la transparence du cœur. La religion, quelle qu’elle soit dans cette ère patriarcale, a codifié, limité, obscurcit notre relation et notre place au sein du Grand Tout, de même qu’elle a obscurci le Féminin. Sans doute parce que le grand Tout est la grande matrice du Féminin. Matrice, sein, nous retrouvons les fonctions du Féminin universel. Vaste sujet (voir livre à paraître). C’est à nous de retisser ce lien avec la « Grande Toute ».
C’est à nous de mettre de la conscience dans nos gestes et nos pensées, de retrouver les gestes qui véhiculent la présence.
Par exemple, faire d’une tâche banale et quotidienne une méditation d’amour.
« Fixe ton esprit dans le cœur en te livrant aux activités du monde, ainsi l’agitation disparaîtra et en quelques jours tu connaîtras l’indescriptible. »
C’est à nous de nous réconcilier avec la dimension bienveillante et universelle de la vie, sans de nouveau remettre notre pouvoir aux faux gurus qui parlent de spiritualité et font l’impasse de l’ouverture du cœur. Qu’est-ce donc que la spiritualité sans l’ouverture du cœur, une religion comme une autre, qui a ses préférences et ses interdits, qui exclut plus ou moins subtilement une partie de la réalité. Le cœur inclut, l’ouverture du cœur permet d’accueillir la totalité de la réalité, sans jugement ni complaisance.
« Vivre au Féminin », que nous soyons homme ou femme, invite d’accueillir dans son cœur ce que nous avons l’habitude d’exclure. Ceci est différent de se mettre en pâture, différent de la pitié ou du réflexe de sauver l’autre. C’est un état intérieur d’accueil. Cet état peut passer par un geste concret mais pas nécessairement, car le Féminin est au concret ce que le masculin est à l’abstrait.
Par exemple, chaque jour dans la rue quelques instants, accueillir dans son cœur quelqu’un que d’habitude nous exclurions de notre cœur, parce que son indignité nous est insupportable ou sa mendicité ou parce qu’il nous fait peur ou nous provoque… Le champ est vaste. Quelques instants, accueillir dans son cœur. Accueillir. Nul besoin d’un geste particulier, même si un geste ou un simple regard peut ouvrir sur l’infini. Un état intérieur d’accueil.
« Libère-toi de la haine comme de l’attachement. Alors ne connaissant ni répulsion ni lien, glisse-toi dans le divin en ton propre cœur. »
La reconnaissance de sa véritable beauté et l’amour pour soi-même : Ceci s’adresse tendrement aux femmes.
« Vivre au Féminin » invite à reprendre intimement son pouvoir de reconnaître sa véritable beauté. Pouvoir que nous avons donné au regard extérieur, en particulier à l’homme, tout comme le féminin a remis son pouvoir au masculin en nous-même comme à l’extérieur. Toutes les tentatives de plaire, de correspondre à la soi-disant attente de l’autre, de façonner notre corps, notre visage en fonction d’un regard extérieur ou celui de la mode procède de la non reconnaissance de notre véritable beauté. Celle-ci est indépendante de notre poids, de la forme de notre visage, de notre âge.
Elle est. Elle est par essence.
Oui, c’est un chemin thérapeutique et initiatique de le reconnaître et de le vivre.
Que nous soyons homme ou femme, le Féminin réside en nous, d’une façon unique, spécifique.
Chacun de nous est l’univers individualisé d’une façon unique dont émane une beauté unique qui est notre véritable beauté. Beauté unique de toute l’histoire humaine individualisée à travers notre histoire personnelle qui matérialise le contour de nos yeux, de notre corps. Plus nous le reconnaissons, mieux nous prenons soin de nous-même et de notre corps, plus la lumière et l’amour émanent de nous, plus notre beauté physique est perceptible. Il suffit de regarder une femme amoureuse pour le comprendre, quel que soit son âge, son poids, ses vêtements.
Notre relation à nous-même est de même nature que notre relation intérieure au monde. En contemplant et libérant notre relation à nous-même, nous libérons notre relation au monde.
« L’attention fixée sur un seul objet, on pénètre tout objet. Qu’on se relâche alors dans la plénitude spatiale de son propre Soi. »
En contemplant notre relation à nous-même, nous accédons à la totalité de qui nous sommes dans l’ombre comme dans la lumière. Nous pouvons y choisir l’amour.
Chacun (e) porte l’empreinte de l’amour. C’est notre essence. Notre seule et véritable quête spirituelle est de retrouver, réveiller, activer cette flamme en nous afin de libérer l’illusion douloureuse d’être coupé de l’amour. La quête de l’amour à l’extérieur signale un manque d’activation de la flamme de l’amour en nous. Lorsque l’Amour est activé en nous, nul besoin d’être aimé puisque nous sommes Amour qui est l’expérience d’être aimé de l’intérieur. Alors notre Amour caresse librement le monde. Et plus nous vivons l’amour à l’intérieur, plus il se manifeste à l’extérieur.
« Lorsque tu retrouves un être aimé, sois totalement dans cette félicité et pénètre cet espace lumineux. »
Cet être est le Féminin en nous.
© Diane Bellego